Elle est belle
et éternelle notre Tamazight. Des hommes et des femmes ont donné leur vie et leur jeunesse pour qu’elle demeure vivante
et digne. Tamazight, la langue de nos mères nous habite. Tamazight le pilier de l’Algérie profonde nous interpelle.
Tamazight la fierté de nos ancêtres nous secoue. Tamazight l’identité de notre peuple nous nourrit. Tamazight le repère
de nos enfants nous motive, nous anime.
Que c’est
dur de rendre hommage à Matoub Lounès en 2005. Que peut-on lui dire aujourd’hui? Que peut-on faire comme bilan de notre
lutte? Que peut-on lui raconter de la gestion officielle de la question identitaire amazighe? Que peut-on lui promettre encore
et encore?
Sept ans se
sont écoulés depuis son assassinat en 1998 en Kabylie, Algérie. Tamazight s’est frayée un petit chemin chez elle. Elle
est nationale. Elle n’est plus un tabou. Certains diront que c’est déjà un grand pas après tout ce qu’elle
a subi depuis 1962. Elle n’est plus censurée. D’autres diront ce n’est pas assez. On veut que Tamazight
soit officielle et institutionnelle. Pis encore, ce ‘’grand pas’’ du système, selon les sceptiques, n’est autre qu’une forme de
diversion de la part du pouvoir algérien pour gagner du temps. Qui doit-on croire? Seul
l’avenir pourra nous le dire. Ce qui est certain par contre est que l’Algérie a fait des pas géants dans la quête
et la réhabilitation de son passé et de son identité millénaire sans pour autant exclure ceux et celles qui se sentent différents,
qui se réclament d’une autre identité que berbère. L’Algérie est une république nord-africaine dans son essence.
Par conséquent, quelles que soient les manipulations de certaines sphères pour la faire basculer dans l’islamisme ou
l’arabisme, elles finiront par abdiquer car, ce pays qui a donné des génies et résisté à des envahisseurs de toutes
sortes à travers les siècles ne se métamorphosera pas au gré des états d’âme sans vergogne de ceux qui n’aiment
de ce pays que ses richesses et les privilèges que le pouvoir leur procure.
Matoub est
mort pour que vivent les valeurs de son peuple berbère et de son Algérie profonde, moderne et démocratique. Il est mort pour
que vive sa langue Tamazight dans la tête de tout un chacun et chacune, dans l’espace public et dans les institutions
algériennes. La haine et l’intolérance ont tué l’artiste militant. L’amour, la sagesse l’intelligence
et la paix feront vivre son combat, ses idéaux et sa générosité indescriptible.
Alors quoi
dire à ceux et à celles qui ont donné leur vie pour que notre identité soit éternelle? Nous leur dirons que la meilleure façon
de perpétuer leur combat, notre combat et de réaliser leur idéal, notre idéal, est de revoir notre stratégie de dire et de
transmettre notre amazighité, peu importe où nous vivons. Nous leur dirons que leur mort ne sera jamais vaine. Elle est même
la graine de l’espoir et de l’édification d’un pays qui a trop souffert et qui mérite aujourd’hui
paix et prospérité.
Matoub Lounès,
Lounès Matoub, je finis ce message en paraphrasant un artiste québécois, Mario Pelchat : «Il est de ces gens qui laissent
des traces au-delà du temps, au de-là du vent». Les propos de Jean Amrouche,
un autre enfant de Jugurtha qui a trop aimé sa terre et ses racines te résument le serment de ceux et celles qui portent Tamazight
dans leur cœur et dans leur tête.
" Se séparer de soi-même pour retrouver son
être profond ".
" Tout meurt, tout se dissout
Pour que naisse la vie.
Toute image
de nous est image de mort
Mais aussi toute mort est gage de vie "
Jean Amrouche
Repose en paix Matoub Lounès.
Tamazight est plus vivante que jamais!
Djamila Addar
Montréal, juin 2005